Triptyque Tropical

 

 

 
 
Les Tropiques en Voiliers …
 
Hervé  Caumont

Sommaire


 


 

 


 

 

 

 

Aujourd’hui où les Antilles ne sont qu’à 8 heures d’avion de l’Europe, pourquoi vouloir y aller, qui plus est la première fois, en voilier ?

 

Même si tous les marins confirment que c’est le moyen le plus lent, le plus inconfortable et le plus coûteux pour aller d’un point à un autre, le bateau offre une toute autre façon de voyager, de vivre "librement", au gré des courants et des vents.

 

La vie en mer, surtout sur un bateau à voiles, fait rêver. Et ce ne sont pas les évolutions plus ou moins récentes, comme le GPS, qui vous empêcheront de vivre la Grande Aventure.

 

Au cours d’un Triptyque* de grandes périodes de vie à bord, étalées sur plus de 18 années, Hervé vous racontera ces vies de bateaux, avec les bons et les mauvais moments.

 

D’abord lors du voyage initiatique qui l’emmène de Normandie aux Caraïbes, puis d’un voyage sympathique dans l’Arc Antillais et pour finir, le voyage sabbatique couronné par la découverte des îles Vierges.

 

Au programme: rencontres, cocotiers, sable blanc, eaux turquoises, langoustes, ti-punchs, le tout dans un climat Tropical, avec l’eau et l’air toujours aux environs de 30° C. Mais ce carnet de voyage relate tout aussi honnêtement les tempêtes et les cyclones, les accidents comme le démâtage. Bref, un bon paquet de coups durs, qui sont le sceau de l’Aventure.

 

 

Avant de vous laisser plonger dans ce carnet, précisons que son écriture est assez libérale, fruit d’une cyberculture marquée par le style « E-mail ».

 

 

(*) Triptyque ne veut pas dire « mouvement réflexe » (tique) « d’une personne qui a pris des hallucinogènes » (trip), mais simplement une « œuvre composée de trois parties ».


 

Préface

 

 

En 1983, mon fils a 15 ans. Il voit dans la même année ses deux sœurs se marier et quitter le giron familial, et son père lui proposer en même temps qu'à sa mère, très sérieusement, de tout "larguer" - surtout les amarres - pour une croisière dont l'objectif est de se faire plaisir, avec notre beau voilier de 12,50m.

 

Visiter des régions, pour nous inconnues. Rencontrer des gens de culture et de coutumes différentes des nôtres. Découvrir une faune et une flore nouvelles.

 

Les meubles et voiture vendus, nous embarquons (Toutoune, Hervé et moi), un beau jour de juillet à Deauville, avec une tonne d'équipements et de nourriture.

            Après une escale à la Trinité, pour un dernier au revoir à des amis, nous nous lançons dans l'inconnu, celui où il faut se débrouiller seul, et faire face aux deux impondérables majeurs qu'on ne peut pas maîtriser (totalement) : la santé de chacun, et la météo.

Hervé va s'organiser une vie bien pleine, avec ses devoirs, en liaison avec le CNED, son mini ordinateur, déjà, et sa vie à bord d'un voilier, avec les quarts pendant lesquels on ne dort pas, même quand c'est dur. Les manœuvres, parfois musclées... ou aventureuses.

Et d'improvisation en improvisation, passent 2 années - majeures dans une vie en fin d'adolescence - tellement bien remplies, qu'il éprouvera le besoin de remettre çà, de sa propre initiative, deux fois, au cours de grandes périodes sabbatiques et sympathiques. Et de verser dans un livre cette vie de navigateur tropical, si passionnante, à bord d’un triptyque de voiliers.

 

Pas de dithyrambe pour mon fils, je serais partial ; pourtant, je crois pouvoir donner un avis sur son comportement de marin : il ne va pas chercher les embrouilles, les catastrophes, les galères ; mais quand elles sont là, il fait face, courageux, méthodique, et tenace.

 

Par ailleurs, il prépare ses navigations, tient son livre de bord, ne néglige pas ses équipements de sécurité, ni son moteur.

 

 

 

Et il sait aller chercher son bonheur de l'autre côté du mur, quand il trouve qu'il est à l'ombre.

 

 

 

 

Jean-François Caumont.


 

Voyage Initiatique


 

Le cadre Administratif (Démission)

 

Ce premier grand voyage était surtout géré par mes parents, puisque j’étais adolescent lors du départ. Mon père était cadre supérieur et ma mère au foyer. Ils lisaient trop de livres du genre de celui-ci, par ailleurs, mes sœurs venant de se marier, ils décidèrent de partir, de façon définitive. Ils vendirent donc tous leurs biens … et mon père démissionna, tout simplement. Pas de date de retour prévue, et à priori plus rien à gérer à terre, sauf bien sûr les impôts en cours.

 

            Ce type de départ est de plus en plus rare de nos jours. Tout vendre, démissionner, partir sans retour, présente beaucoup de risques et peu osent cette grande Aventure.

 

            La préparation est très longue, de l’ordre d’une année, mais c’est le grand frisson. Une fois partis, plus d’autres soucis que le présent voyage. No Limit. Cependant, le retour qui arrive dans la majorité des cas est bien plus difficile, personnellement, financièrement et professionnellement.

 

Lycéen en Seconde avant le départ, je fus inscrit au CNED (Cours par correspondance) avec comme adresse postale donnée à cet organisme, celle de ma sœur chargée de réexpédier les cours en fonction de notre itinéraire. Compte tenu des vents, des Postes, il est aisé d’imaginer que cela n’est pas facile du tout, les cours arrivant trop tard ou pas du tout. L’itinéraire d’un voilier n’étant pas celui d’un bus, je ne reçus qu'environ la moitié des cours sur une année scolaire entière. J’étais en Première Scientifique, et mon passage en Terminale n’était donc pas acquis. De plus, la notation était plutôt sévère, aujourd’hui encore. Ajoutez à cela les expériences scientifiques à faire à bord, et une liste minuscule à présenter lors de l'oral du bac français, et vous vous dites qu'une deuxième année par correspondance n'est pas souhaitable.

 

C’est pour cela que je débarquai au Venezuela, après un an à bord, pour faire une Terminale à terre en Guadeloupe, pendant que mes parents poursuivaient leur navigation dans l’arc antillais.

 

            Au cours de ces années en mer, j'ai rencontré beaucoup d’enfants de bateau qui suivaient ces cours, du plus jeune âge à la Terminale. Avec beaucoup de volonté et quel que soit le voyage, c'est possible. Si vous vous disiez que l'Aventure n'est pas pour vous ne serait-ce que du fait de la scolarité de vos enfants, il vous faudra chercher un autre alibi !

 

           


 

Le Bateau (Aventurine)

 

Mes Parents ont commencé à « naviguer » à ma naissance … Un Rocca d'environ 5 mètres, puis un SIR 530, avec un mât et des voiles. Le troisième, le célèbre Golif. Certains ont traversé l’Atlantique avec un Golif en 1968, je le rappelle pour ceux qui se disent qu’il faut beaucoup d’argent pour naviguer. On peut trouver un bateau de ce style, d'occasion bien sûr, pour le prix d’un SMIC trimestriel, la moitié du prix d’une petite voiture neuve.

 

Stages aux Glénans, lectures et apprentissage sur le terrain et le quatrième bateau nous permit de rallier l’autre côté de la Manche. Un Atlante de 8 mètres. Le tout à 5 à bord, plus parfois le chien ! Et le premier « Aventurine », un Moody 33 en 1976. Livré en retard, nous passâmes le mois d’été à bord d’un Etap 22, à 5 dont 3 enfants qui grandissent …

Quelques milles parcourus (en moyenne 1500 par an) et la décision de partir loin et longtemps … Le Moody 33 céda la place à un Moody 41 pour devenir notre Maison …

 

De mon point de vue, et cela ne vaut qu’en tant que généralité, je recommande toujours un voilier de Série et en Polyester. Pas de construction amateur, pas de bois, pas d’acier, pas de ferro-ciment et personnellement, j’écarte même l’aluminium.

 

La mer est très dure et tout marin expérimenté et honnête vous l’avouera. L’entretien d'un voilier, même de série et en polyester, et même d'une grande marque, est déjà très conséquent. Alors si vous y ajoutez la rouille, les tarets, du mauvais bricolage … cela peut devenir plus que désagréable. Et comment donc B. Moitessier pouvait-il se tromper ? Lui, que je vénère, comme toute personne ayant vécu de nombreuses années à bord, et qui est une référence en la matière. Je ne donnerai comme argument que celui de l’époque. C'était il y a plus de 30 ans … si vous voulez défendre le Bois avec Gerbault (1950), libre à vous de faire les vernis, changer les bordées, écoper.

 

Je ne développerai pas plus ce choix d’un bateau en polyester de série malgré beaucoup d'arguments techniques possibles et confirmés par des centaines d’expériences vécues autour de moi. Pour ma part, c’est un prédicat.

 

La taille et le nombre de coques sont des choix plus controversés. Pour le nombre de coques, j'en reparlerai lors de l'achat du premier Goto. Pour la taille, 41 pieds sont parfaits pour un équipage réduit, mais le budget d'achat et d'entretien est conséquent. La taille souvent donnée comme idéale est 36 pieds, mais certains vivent sur des 20 pieds et l’ont voit de plus en plus de 50 pieds aux Antilles.

 

 


 

Les Aventures :

 

Contrairement à la plupart des livres du même registre, je me suis permis d’ajouter des conseils, points de vue personnels, informations administratives et financières et n’en déplaise aux vendeurs de rêves, je vais même raconter les galères. Rassurez-vous, je ne détaillerai pas le démontage de la pompe à chiottes ou les clearances pénibles de républiques pas toujours reconnues comme bananières, mais quelques moments vécus à bord qui forment, d’après mon père, le Sceau de l’Aventure. En plus, quand cela vous arrivera, je vous aurais prévenu !

 


 

L’Europe et son Golfe de Gascogne

 

            Ca y est, tout est réglé, et là, vous larguez les amarres pour de Vrai. On était à la Trinité sur Mer le 20 septembre 1983, après une croisière côtière en provenance de Deauville.

Mes parents ont l’air mélancolique. Moi, j'ai 15 ans et une fois les voiles montées avec plaisir, je me mets à la barre avec mon Walkman pour écouter AC/DC. L'air est frais et il y a déjà un bon Force 6 établi, ce qui donne bien, une fois la Teignouse passée. On se pose la question du demi-tour pour météo incertaine car l'Espagne est loin, mais pas si loin que ça, quand on part pour beaucoup plus loin. Alors non, pas de demi-tour. Au soir, je suis passé à Van Halen, du Hard Rock, et Eole à force 7 à 8. Je me régale à faire marcher à fond notre 41 pieds même si la barre à roue devient un peu dure. On mange, puis les quarts se mettent en place. Pour les navigations côtières, mon père est hors quart puisqu’il surveille constamment. On les partage donc avec ma mère. Généralement 2 heures chacun auxquelles ma mère ajoute la TVA (à ses 2 heures) pour me laisser le temps d’émerger. Et Eole qui continue à forcir, la mer aussi et ce sacré Golfe de Gascogne …

 

Voilà, c’est le lendemain, deuxième jour de la Grande Aventure et cela a déjà des allures de Galères. Vers 4 heures du matin, je prends mon quart et suis bien fatigué de mes exploits à la barre de la veille, heureusement que le pilote automatique bosse. Il fait nuit, froid, la mer est déchaînée, il faut prendre un troisième ris dans la Grand Voile, rerereenrouler du génois et Eole crie Force 9. M'enfin, cela passera. Il suffit de tenir le coup encore 2 heures, puis dodo au chaud dedans. Mais voilà, ce 21/09/83, c’est Force 10 avec des creux de près de 10 mètres et qui déferlent. L’eau rentre dedans par les daurades étanches. Elles le sont et si vous mettez un jet d'eau dedans à fond, pas une goutte ne passe, seulement là, ce sont des tonnes d'eau qui s'affalent sur le bateau à chaque vague. Dedans, c’est la machine à laver, tout vole, tout est trempé, impossible de dormir. Dehors, c'est la tempête, la Grand Voile est ferlée, il reste 3 mètres carrés de Génois pour faire un travers au vent et aux vagues, et le bateau est régulièrement complètement sous l’eau. Celui de quart tient grâce au Harnais, et tente de faire au mieux pour régler le pilote pour passer les vagues. J’ai le mal de mer, ce qui ne m’est jamais arrivé, même dans la cabine avant dans le raz Blanchard par force 8. Je vomis tout, et plus, plusieurs fois et impossible de prendre les cachets, qui repartent de suite avec l’eau avalée.

 

Là, c'est vraiment l'enfer. On ne se regarde même plus, on fait de notre mieux pour faire tenir le bateau. Plusieurs fois, Aventurine se couche complètement, à 90 degrés, heureusement, en haut d’une vague, ce qui évite le grand tour. On évite aussi le grand Soleil (sancir) même si on rentre dans les vagues souvent jusqu’au mât. Quelques années plus tard, mes Parents m’ont avoué qu’ils pensaient alors au pire et ma Mère d’ajouter qu’elle tenait le coup uniquement par ma présence à bord. Personnellement, seules les premières chutes libres de vague, quand les 10 tonnes retombent de plusieurs mètres en bas de la vague, m’ont fait penser que le bateau pouvait se casser, mais la difficulté de tenir et de passer l’instant présent occupait toutes mes pensées. Puis Eole est retombé, encore plus vite qu’il était monté. Force 8 ne vous paraît plus qu’une bonne brise et la déferlante de 5 mètres vous aspergeant vous fait sourire. Sûr que ceux qui reviennent des 50èmes Sud se seraient régalés de ces 50 Nœuds de vent, moins sûr, de certaines déferlantes.


 

            La seconde nuit en mer tombe et le vent avec, les déferlantes deviennent douce houle, et j’arrive à boire du lait chaud sucré avec des cachets, le bonheur. On se sourit et même des mots sortent … « on l’a échappé belle », « sacré baston », « brave Moody ». Mais sans GPS (cela n’existait pas à l’époque, seuls les bateaux les mieux équipés avaient un SatNav), sans côtes, sans possibilité d’utiliser le sextant vu le temps et avec une estime à la louche, on était plutôt paumés. Restait la Gonio, récepteur qui tente de donner le cap de l’émission d’une onde radio donnée. C’est à la Gonio qu’on s’est approchés des côtes espagnoles. Pour l'équipage, le plus dur était passé et on était très contents d'arriver bientôt dans notre premier pays étranger. Pour le Skipper, sans point précis, avec une grosse fatigue générale et la brume qui s’est installée, le tout de nuit, pas question de s’approcher des côtes trop vite. En fin de nuit, un bruit, un bateau de pêcheur qui nous donne le nom de son port juste à côté, par là, suivez la direction de sa main. Et comme ça colle à notre estime, on y va, droit dessus et évitons de justesse le phare de la baie, mais sans le voir. On se guide toujours avec la Gonio, à l’aveuglette. Puis au sondeur, on se prépare à mouiller, on ne sait où, pourvu qu’il n y ait que 10 mètres d’eau. L’ancre tombe, nous aussi, pour un sommeil de près de 24 heures …

 

Au petit matin suivant, nous découvrîmes cette superbe baie par un soleil radieux, que seuls des yeux ayant vu l’enfer des jours précédents peuvent apprécier ainsi. Pas un voilier, une belle anse avec des barques de pêcheurs, cela s’appelle Cariño, notre premier coin de Paradis.

 

Après avoir rangé, écopé, nettoyé, effacé les traces de cette tempête qui restera, je l’espère bien, la pire que j'aurais connu et à connaître, nous préparâmes l'annexe pour notre première visite à terre.

 

            A peine à terre, nous sommes abordés par les habitants pour qui la présence d’un voilier était rare et suscitait bien des questions. Nous fûmes très gentiment invités à manger des Gambas dont je me régalai d'autant plus que mes réserves étaient au plus bas. Bien qu’ils n’attendaient pas de retour à leur sincère hospitalité, nous rendîmes les invitations avec le plaisir de voir les expressions de nos hôtes découvrant d’étranges aventuriers sur un étrange bateau.

 

            Notre première semaine d’aventure nous confirmait ce qu’est la vie à bord : une alternance de moments difficiles et de moments agréables, comme toute vie, mais avec une intensité bien plus forte qu’une vie normale. Et plus je navigue, plus cela s’avère vrai, avec une prépondérance des moments galères en mer et des moments formidables aux escales.

 


 

            Après Cariño, notre balade espagnole nous emmena à La Corogne, Finisterre, Corcubion, Carnota, Muros, Puebla del Caraminal, Villagarcia, Caril, Rianjo, Fontenla, EL Grove et Bayona, généralement des escales de deux jours, soit un rythme élevé compte tenu des navigations, des visites, des courses, des cours du CNED à récupérer, des pêches et autres activités de notre nouvelle vie. Outre le dépaysement, j'ai vraiment apprécié l'accueil des espagnols.

 

            Puis le Portugal, où l'accueil fut encore plus chaleureux. Bien que ma seconde langue soit l’anglais, j’ai dû rapidement apprendre à demander « donde esta la coréo » (« où est la poste ») pour aller chercher mes cours et aussi pour rentrer à la maison « donde esta la barca de vela ». Au Portugal, impossible de me faire expliquer où était la poste … car on m'y accompagnait systématiquement, et si c'était loin et pas sur leur chemin, mes gentils guides se relayaient avec d'autres personnes de façon à ce que je ne me perde pas. Plus le village est petit, et plus l’accueil est formidable.

 

            De Viana do Castelo à Porto puis Figera da Foz où on a bien failli faire glou glou et pas à la bouteille comme à Porto. Un bon vent qui pousse portant à 8 Nœuds et l’entrée du port qui arrive très vite. Des pavillons sur le sémaphore à lire. On cherche leur signification dans nos guides et instructions nautiques. Mais pas le temps de les comprendre que déjà une barre de sable arrive avec de belles déferlantes dessus, juste à l’entrée du port. Mon père barre, ma mère lit les documents nautiques et je surveille le sondeur.

 

Le sondeur est difficile à régler. Les fonds montent trop vite, l’eau est pleine de sable, et on est du temps des sondeurs à diodes tournantes. Les pavillons du sémaphore sont indéchiffrables, en plus d’être difficilement identifiables. La barre est dure, il faut tenir sans empanner et négocier les surfs sans partir au lof. Je vois passer une indication de 1,8 mètre sur mon sondeur, on est sur la barre de sable. C’est trop tard. Trop tard pour faire demi-tour. Tout le monde a compris. C’est peut être la fin du voyage, déjà.

 

On ne respire plus, on ferme les yeux, on se cramponne. Et ça passe. Plus exactement, on est passé en haut d’une vague sur la barre de sable de l’entrée qui découvre presque en bas des vagues … avec une quille de 1,8 mètre. Bien sûr les drapeaux du sémaphore disaient « entrée interdite » vu que c’était impossible d’entrer et les pêcheurs locaux ne sortaient même pas. Des fois, faut de la chance.

 

            Puis Peniche et ses sardines et déjà des amis de bateau. Pas celui qu’on réveillera en pleine nuit sur l’ordre suivant de mon père, clairement entendu du propriétaire du dit bateau « on se met à couple de l'Epave qui est là ». Non, lui n'a pas apprécié l'opinion faite rapidement de nuit du bateau de ses rêves et il nous a même virés. Le bateau d’amis, c’est Kalina, un Via 36 aménagé par Thierry et Sylvie, mieux qu’un bateau de série. On les a revus souvent et c’est eux qui nous ont fait découvrir les endroits les plus sympathiques vers 16N61W.

 

            Lisbonne, très intéressante, que l’on peut aussi bien visiter de la terre, puis Sines et Villamoura. On est déjà en novembre et le froid nous pousse à aller vers le sud. Donc Cap sur le Maroc, avec escales à Casablanca et Safi et une balade à terre pour visiter Marrakech. On retrouve souvent des amis de bateau aux escales. Marie-Hélène et Armand ont un Trismus 36, encore un dériveur de 36 pieds pour aller aux Antilles …


            A Safi, nos nouveaux amis s’appellent Aura. Souvent, on se connaît et s'appelle par le nom de nos bateaux. Impossible de passer à côté d’Aura sans le remarquer. Ferro ciment de 10 mètres avec une énorme figure de proue. Ils sont trois à bord comme nous. Lui réparait des radiateurs auto en Montagne (Savoie) et a décidé de partir comme ça. « Sur un voilier ou dans un Camping Car ? » demande t-il à sa femme qui répond sans y croire « Voilier ». Il a construit de ses mains son voilier sans avoir jamais navigué avant. Quelques années après, il le met à l’eau et ça flotte, sort du port et se met sur un rocher, répare le bateau et ils partent pour de bon.

            Ils partent en mer, reviennent à cause du mauvais temps et nous étonnent tous de leur candeur nautique. On essaie de faire une navigation ensemble, mais Aura atteint difficilement les 3,5 Nœuds là où Aventurine dépasse les 7 sans forcer. On les retrouvera aussi, et avec soulagement, de l’autre côté de l’Atlantique.

 

Premières îles, et avec des palmiers, les Canaries avaient à cette époque une ambiance d’Aventure. Certains se dégonflaient pour traverser l’Atlantique, les autres préparaient minutieusement, voire scientifiquement leur grande traversée. Arrecife, Las Palmas et départ de PuertoRico, où on fête chaque départ de bateau, parfois même ceux qui vont faire un essai en mer. Beaucoup vont aux Antilles, les Français dans les îles françaises, les autres, à Ste Lucie. Nous, on va aux Iles du Cap Vert.

A Bord, on est presque au point, mon Père s’occupe beaucoup du bateau, pêche, et durant tout son voyage, il restera généralement près du bateau si ce n’est dessus. Ma Mère s’occupe de nourrir l’équipage, et en dehors des courses, aime faire du shopping. Moi, j'ai mes cours. Bien sûr, pour les navigations, les visites et les réceptions, l'équipage est au complet, mais chacun a aussi ses occupations propres. L’Annexe est sous ma responsabilité. Depuis, j'ai un faible pour les Annexes …

 

Six jours pour relier les îles du Cap Vert où ça souffle très fort. 50 Nœuds de vent au mouillage et l’annexe et son Hors-bord jouent aux crêpes derrière le bateau. Tribord côté pile, bâbord côté face, dommage pour le moteur … et pour aller à terre. A la rame, un essai infructueux à bien failli terminer là mon voyage. Ma mère n’ayant pas la force de ramer suffisamment fort comme moi, j'ai dû dégonfler l’annexe et la remorquer à la nage pour revenir au bateau. Mais en plus, comme c’est moi qui me suis fait enguirlander, je présentai ma démission au Skipper, qui la refusa (heureusement). Ce fut la dernière mise au point de l’équipage. J’en profite pour attirer l’attention sur ceux qui partent nombreux sur un bateau, histoire de partager les frais, les risques et plus encore. Car une bonne cohésion du groupe est très difficile à garder dans un si petit espace avec tant d’actions à faire, et peu d’erreurs sont pardonnables à bord. Beaucoup de voyages d’équipages nombreux finissent par un conflit sans solution, avec parfois le bateau qui se retrouve à vendre dans le cas des copropriétés (dans les autres cas, les « invités » se retrouvent sur le quai).

 

Mindelo, c’était très pauvre, trop pauvre. Cela fait sourire quand c’est à la douane où on s’étonne de l’existence de votre Walkman, et où on éclate tous de rire quand la secrétaire met les écouteurs et entend la musique (c’était peut-être Téléphone, désolé …) tout étonnée. Mais cela devient insupportable sur le marché quand on comprend qu’ils vendent des concombres en tranches car certains ne peuvent les acheter entiers. On mange chez tonton François où les nombreux livres d’or remontent à des décennies et où on retrouve en plus des connaissances, des gens aussi connus que Tabarly, Le Toumelin ou Gerbault. On troque des Langoustes contre du Whisky des Canaries, et cap sur les Antilles …


La Traversée de l’Atlantique

 

            « Il y a les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer ». Socrate.

 

            13 Décembre 1983, Eole n’a pas ou peu faibli. Comme c’est du portant, on part quand même. Un ris dans la Grand Voile et un peu de génois tangonné pour que cela tienne en ciseaux. La mer est forte et le pilote souffre pour tenir le bateau à son cap. C’est parti, et dès le départ, vous vous dites qu’il ne faudrait pas à avoir à faire demi-tour. Ce vent, ces vagues et le courant dans le dos, c’est assez sympathique même si les creux font plus de quatre mètres, mais s’il fallait remonter cela en tirant des bords, ce serait l’enfer. Déjà le soleil se couche et les îles disparaissent au loin, laissant l’océan Atlantique sur la proue et quelque part loin devant, des petites îles, les petites Antilles. Pas de GPS, on utilise donc le sextant et les tables pour faire le point. Mon père fait les droites de hauteur et moi la méridienne quotidienne.

 

            Le principe de base est simple, pour avoir votre Latitude, à midi, le soleil est à 90° (juste au-dessus de votre tête) à l’équateur, donc 0°N de latitude ; et par 45°N (Europe), il est à 45°. Le sextant vous donnant l’angle que fait le Soleil avec l’Horizon, il suffit de faire 90 - angle relevé, et vous avez votre latitude. Pour la Longitude, le Soleil passe à Midi GMT sur le Méridien de Greenwich, et met 1h pour faire 15° vers l’ouest. Il suffit donc de noter à quelle heure le soleil était le plus haut (« midi local », zénith, ou méridienne) et de diviser par 15° par heure. Exemple, il est 4h GMT lors du zénith où le Soleil culmine à 74°, on est donc par 60°W (4*15) et 16°N (90-74), fastoche non ? Le problème est qu’il y a plein de « deltas » (corrections) à appliquer car cela varie en fonction du jour, du mois, de l’année. Pour cela on utilisait les HO 249, des tables de corrections « éphémérides ». En plus, il faut que votre montre GMT soit précise, ainsi que votre sextant et votre relevé … avec des creux de 4 mètres.

 

            Vous voilà au milieu de la mer, plus rien à la VHF, ni même à la Radio, pas de BLU, encore moins un GSM (cela n’existait pas). Juste vous sur une coque de noix au milieu de l’Atlantique. Pour répondre à une question que l’on me pose fréquemment, on ne jette pas l’ancre la nuit, il y a bien trop d’eau sous la quille. Le soir, on mange, la nuit, on dort quand on n'est pas de quart, sinon, on observe le bateau, surveille le cap, la vitesse du vent et qu’il n’y ait pas un grain qui s’annonce. A trois, les quarts sont un vrai plaisir (passé les 10 minutes qui suivent votre réveil) car on fait 2 fois 2 heures. Et quand il y a la lune, c’est superbe. On peut lire à la lumière de la lune et j'ai même vu des arcs-en-ciel de Lune (sans parler des halos). Le matin, petit déjeuner, puis on bouquine, contemple, pêche, ou tout ce qu’il vous plaira. Vous êtes hors du système, hors du temps.

 

            Après les trois premiers jours, votre organisme est en totale osmose avec les éléments, vos déplacements sont faciles et rapides et à part les bouteilles qui tombent parfois, on en oublierait que le bateau tangue et roule de 10° sur chaque bord. On regarde toutes les 10 minutes dehors pour voir que tout va bien, pas de grain ni de cargo, et on peut continuer à manger dedans ou à jouer aux cartes. Le vent est descendu à Force 4 ou 5, ce qui nous permet d’envoyer le SPI la journée, que l'on redescend la nuit par égard aux grains. Nos moyennes sont bonnes, sur toute la traversée, on fera 6,75 Nœuds de moyenne générale.


            Pour mon Père, c’est une expérience gratifiante, déjà le fait de traverser l’Océan. En plus, comme il pêche de superbes Dorades Coryphènes à la traîne, c’est le Roi du Pétrole. On en pêchera tellement qu'il fallut remonter les lignes, non sans avoir fait des bocaux avant.

La coryphène est excellente et lors de sa remontée à bord, est aussi belle qu’un arc-en-ciel car elle passe par toutes les couleurs quand elle est en danger. On goûte aussi aux poissons volants qui s’échouent sur le pont, quand ils ne rentrent pas à bord par un hublot entrouvert, ce qui valut une belle frayeur à ma mère qui marcha dessus. Cela ressemble au Maquereau de nos latitudes. Les regarder s’envoler quand l’étrave s’approche trop d’eux est toujours un plaisir. Ils partent souvent en escadrille et les meilleurs font plusieurs dizaines de mètres en l'air, sans toucher l'eau. A l’amerrissage, parfois une coryphène les attend la bouche ouverte …

 

            Pour ma Mère, passée l’inquiétude du retour quasi-impossible et du temps qu’il nous faudrait pour arriver au plus proche Hôpital, cette traversée lui plaît bien. Moi aussi, j’aime bien ces jours qui défilent en dehors des sentiers battus. Pour l’Hôpital, je me suis fait opérer de l’appendicite pour cette traversée et donc, plus rien ne peut m’arriver, du moins j'en suis convaincu, comme quand on sort sa voiture de chez le garagiste. A l'arrivée, il y a les Antilles et à bord, pas de pollution, ni dans l’air, ni dans l’eau, ni même sonore, ou mentale (Télévision, Radio …). Je fais un peu mes cours, lis aussi de grands classiques, écoute de la musique et découvre la contemplation. Au milieu de l’Océan, ce voilier sous SPI qui se balance et fonce droit devant, c’est beau de tous les angles. J’adore m’allonger dans ma cabine avant et regarder le haut du mât, avec sa Grand Voile et le SPI multicolore, le ciel bleu et écouter le bruit de l’écume qui glisse sur l’étrave. En plus, il fait déjà très beau et chaud et l’alizé vous offre une ventilation parfaite dans tout le bateau.

 

            Bien sûr, il y a des moments chauds, comme le pilote qui tombe en panne et nous oblige à barrer 24h sur 24. Et c’est du Sport avec ce vent et ces vagues, de tenir les 10 tonnes sans empanner, mettre le SPI en torche ou faire un départ au lof. Heureusement, après quelques bricolages et mises au point, il a bien voulu reprendre son service. Il y a aussi les manœuvres à toutes heures du jour ou de la nuit quand un grain arrive.

            Un grain, c’est un amas nuageux qui descend l’alizé avec du vent et de la pluie. Certains vous offriront une rafale d’entrée de jeu avec 50 Nœuds de vent alors que quelques secondes avant vous n’aviez que 20 Nœuds (avec votre vitesse, cela ne fait plus que 14 nœuds apparents). Si vous n'aviez pas agi auparavant, cela peut-être fatal (au Spi, au mât, au Bateau, à Vous). Heureusement, on les voit arriver, la plupart du temps, sauf par nuit noire …

 

            Lors d’un vilain petit grain, la poulie accrochée au rail de fargue, qui empêchait d’empanner, a explosé … dans la Grand Voile. Laissant un trou énorme, mais sous le premier ris, que nous dûmes prendre et garder jusqu'à l'arrivée. Au bout d’une semaine, et alors que nos réserves d’eau nous offrent habituellement presque un mois d’autonomie, plus d’eau douce dans les citernes… Là, c'est un problème sérieux. On fait l'inventaire de ce qu’il nous reste en Jerricans, secours, jus de fruit et pinard ! A priori pas de panique, mon père aime le bon vin et avait emporté ses meilleures bouteilles dans les fonds qui en sont remplis (environ 300 bouteilles de vins fins). On a pas mal de soft drinks et 2 jerricans de 20 litres d’eau prévus pour ce genre de situation. Plus les réserves d’eau du radeau de sauvetage, au pire des cas.


            Cela paraît bête de manquer d’eau ou de nourriture pendant une traversée, mais cela arrive assez souvent. Outre ceux qui se plantent dans leur calcul (imaginez tout ce que mangent 3 personnes pendant 1 mois, c’est énorme !), il y a les incidents comme une citerne qui perce et se vide sur vos réserves de nourriture, et aussi les traversées qui s’éternisent faute de vent.

           

            Sans vouloir vous rappeler que ce n’est pas encore tout à fait l’autoroute comme certains l’appellent déjà, cette traversée, et la nôtre était agréable, n’est pas de tout repos. Pour mon Père notamment, qui en plus de se soucier de nos faibles réserves d'eau, du pilote éclopé, de la Grand Voile explosée, et j'en oublie, souffrait de plus en plus d'une rage de dents. Une fois les boîtes de calmants bien attaquées, les tentatives de soins improvisés faute de dentiste à moins de plusieurs jours, il nous demanda de l’opérer ! Personnellement, je tombe dans les pommes à la première goutte de sang et aussi à la vue d’un dentiste (j’exagère à peine), donc impossible de lui venir en aide, et pour quoi faire exactement ? Simplement lui arracher une dent de sagesse, rien que ça, en mer, ça bouge, sans le minimum nécessaire. « Demande à Maman », qui, non plus, ne put se décider à lui prêter main forte. Quand ce fut insoutenable, il prépara ses outils (pince multiprise, tournevis … comme dans un bon film d’horreur), s’envoya en plus des calmants une belle rasade de Rhum, et s’opéra. Nous, on est lâchement sortis du carré pour prendre l’air dehors …

 

            Le 24 décembre est arrivé, sans sapin de Noël, encore moins de neige, et rien de tout ce dont on est habitué pour fêter Noël. Noël sur un voilier au milieu de l'Océan, avec les petits problèmes ci-dessus rappelés, j'en vois qui vont encore plus apprécier de faire la queue dans les grands magasins. Pas nous, on a fêté Noël avec un repas amélioré, pris dans le carré, et sommes sortis admirer notre paysage en se disant que pour le Jour de l'An, on sera aux Antilles. Et si Eole tient, et qu’on ne loupe pas les îles, on sera à la Barbade dans 2 jours.

 

            La Barbade est l’île des Antilles la plus à l’Est, un peu en dehors de l’Arc Antillais. De ce fait, une fois dans les îles, très peu s’obligent à faire du près ou tirer des bords pour la rallier. Le mieux est donc d’y aller en arrivant d’Europe ou d’Afrique.

            J'ai pris conscience qu'on était arrivés quand j'ai rejoint la terre ferme à la nage du bateau mouillé dans la baie. Je découvrais alors les tropiques, la mer turquoise, les fonds sous-marins, les cocotiers, la plage de sable blanc, l’eau et l’air à 28°, le paradis …

 

            On a refait les pleins de nourriture et d’eau et quand j’ai ouvert la citerne d’eau, j’ai entendu une aspiration d’air. Sans le savoir, il nous restait la moitié de nos réserves d'eau, seule la prise d'air s’était coincée dans les cloisons qui avaient trop travaillé durant la traversée. A la clearance, un autre bateau moins chanceux que nous signalait la perte d’un équipier durant sa traversée. C’était sous SPI, ils s’amusaient à se jeter à l’eau et attraper une corde qui traîne derrière le bateau, tout le monde s’éclatait, mais le bateau allait de plus en plus vite et à un moment, le plongeur n'a pas attrapé le traînard. Le temps d’affaler le SPI et de faire demi-tour, avec les vagues, impossible de le retrouver malgré tous les efforts qu’on imagine en pareil cas.

 

 

 

 


 

Le Paradis par 16N61W

 

            La Barbade n'est pas exactement par 16N61W, mais cela n’en est pas très loin. Les Français la connaissent peu, car elle est indépendante et fait partie du Commonwealth. Elle a son propre Dollar Barbados, on y roule à gauche et les touristes viennent des USA ou d’Angleterre. Les plages y sont magnifiques, avec des cocotiers directement sur le sable. On peut y visiter le château de Sam Lord, qui fut un sacré pirate. Il mettait des lampes dans les cocotiers pour faire croire à un navire au mouillage et lançait ses attaques sur les malheureux égarés. Lors de ses attaques, ses « collaborateurs » devaient revenir chacun avec une tête ennemie coupée sous le bras, sinon on coupait la leur, de quoi les motiver. Rassurez-vous, aujourd’hui, c’est plus calme, même si la plage de Brigetown y est très animée, surtout la nuit de la St Sylvestre… où le Rhum coule à flot.

 

            Après, cap sur Bequia, où on peut voir les vestiges de la pêche à la baleine, pratiquée artisanalement depuis des barques. Puis St Vincent avec l’île Young, Kingstown et Cumberland Bay où notre nuit ne fut pas de tout repos. En effet, quelques temps avant, un Américain en bateau y fut tué, et l’ambiance sur place vous met tout de suite au parfum. Comité d’accueil agressif, rôdeurs pas clairs nous décidèrent à faire des quarts … armés. Eh oui, la sécurité à bord est sous votre entière responsabilité. Cela dit, les endroits à éviter sont connus, mais pour des raisons de sécurité de navigation de jour, il peut vous arriver de faire le choix de vous y arrêter pour la nuit. Si vous êtes plusieurs voiliers, peu de risque de gros problèmes, en revanche, si vous êtes seuls… Ce mouillage là est bien connu pour ses crimes, de l’attaque au vol de votre annexe, que les voleurs n'hésitent pas à vous proposer à la vente dès le lendemain. De ce fait, St Vincent reste une île peu rassurante, et c’est bien dommage.

 

            Cap au Nord, avec St Lucie, Vieux Fort puis Les Deux Pitons qui sont deux montagnes qui tombent directement dans l’eau. Une plongée en surface y est mémorable, au-dessus de la surface de l’eau, la montagne qui monte à pic, en dessous, ça descend avec la même pente, de quoi vous donner le vertige. La Soufrière puis la célèbre Marigot Bay, et enfin Le Lagon du Gros Islet.

 

            A la même vitesse, et comme la plupart des plaisanciers, on enchaîne sur la Martinique. On navigue, visite, pêche, rencontre du monde, en plus des tâches quotidiennes que sont mes cours, l’entretien du bateau ou les approvisionnements. Le rythme est soutenu, en moyenne 2 jours par escale. 150 escales dans l’année ! Vérifié et contrôlé, sur nos journaux de bord. Un record le 17 mars 1984 avec 4 mouillages : Partis dès l’aube de Prince Rupert Bay (en Dominique), on mouille pour plonger au Grand Ilet, puis à la Coche (Les Saintes) vers midi, et on repart pour passer la nuit à la Marina du Vieux Fort (Guadeloupe).


 

 

            En plus, comme on reçoit de la famille et des amis, qui veulent en voir un maximum en un minimum de temps, on fait plusieurs fois l’aller et le retour entre la Martinique et la Guadeloupe. Heureusement que le choix des mouillages y est vaste, ce qui nous a permis de les essayer presque tous. Notre visite des îles du nord de la Guadeloupe fut encore plus rapide, Antigua, St Barthélemy, St Martin, St Christopher et Nevis en deux semaines.

 

            Tiens, tiens, en y regardant de plus près, au milieu des escales de 2 jours, une escale d’un mois, du 7 mai au 7 juin, et en plus renouvelée du 14 au 27 juin. La seule et unique escale aussi longue parmi les 150, mais qu’a-t-elle de si spéciale cette escale par 16°N et 61°W ?

 

            St François, en Guadeloupe, 16N61W sur votre écran de GPS. C’est le 7 mai 1984 que nous découvrîmes ce coin de Paradis, je venais de fêter mes 16 ans. En dehors des routes habituelles car au vent (à l’Est) de la Guadeloupe. La route classique passe par les Saintes et Deshaies voire Pointe à Pitre, mais pour venir ici, il faut le vouloir. « Ici » ? Eh oui, on est plus de 17 ans après et j'écris ce livre de St François, comme d’autres navigateurs plus connus l’ont fait aussi il y a encore plus longtemps … notamment un « fou d’îles » bien connu et accro à Petite Terre.

 

            Pour venir ici, il faut tirer des bords, faire du près, trouver l'entrée qui est difficile à voir et très dangereuse. Elle s’appelle la passe Champagne, tout un symbole. C’est Kalina qui nous a montré le chemin, un grand Merci à vous. Ils habitaient ici avant d’avoir leur bateau, le Via 36 rencontré en Espagne.


 

            St François, c’est un lagon très vaste et bien abrité. Avec des places de mouillage juste derrière la barrière de corail pour une eau limpide et une forte ventilation. Et des places près de la plage pour avoir moins de vent, et partout, sans roulis (depuis, il y a les navettes des îles, dont certaines ne respectent pas les limitations de vitesse). La barrière fait plusieurs milles, et était remplie de Langoustes et poissons de toutes espèces. Pas de building, seul le Méridien fait un bon amer. Des paysages idylliques, avec le classique petit quai sur le lagon qui finit par une ajoupa (petite cabane) et un petit îlot et son abri. Sur cet îlot, il nous est arrivé de jouer à la Pétanque (c’est plus difficile depuis le cyclone Hugo). A une dizaine d’amis, et faute d’annexe récupérée par notre chasseur, nous voici nageant vers la plage du Méridien avec dans chaque main, une boule de pétanque. Pas facile et déjà amusant, alors imaginez la surprise des touristes fraîchement arrivés de France, voyant sortir de la mer une dizaine de joueurs de pétanque, avec casquettes, T-shirt trempé et bien sûr, les boules dans les mains ! Et nous d’ajouter, que de Marseille, la nage avait été difficile.

 

Il y a aussi une marina avec eau et électricité, où l'ambiance à cette époque était remarquable, avec des fêtes et des barbecues où tout le monde participait. Rappelons aussi que d’ici, on est à quelques milles de la Désirade, Petite Terre, Marie-Galante ou les Saintes.

 

            A terre, c’est une station balnéaire, avec ses boutiques, restaurants, son Golf, et ses locations d’engins flottants. Il y a aussi toutes les facilités, comme un supermarché, une poste et des bus pour Pointe à Pitre si nécessaire.

 

            Pour nous, c’est notre havre de paix, on fait notre pause du voyage, la seule. Ma mère fait du Shopping, Mon père chasse, jusqu’à 8 heures par jour, ce qui lui valut le surnom d’O.S. de la mer, et moi je fais de la planche à voile, parfois jusqu’à la nuit tombée. Pour toutes ces activités, c’est le lieu idéal. Rien ne manque ici, de la langouste au beurre, du rhum au jus de maracudja, du vent au soleil, des amis à l’aéroport, de la marina au lagon, du calme à la fête. « SNFC », c’est possible !

           

 

 

 

 

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